La presse nous a déjà parlé quelques fois de Georges Gondon, frontalier lui-même car gestionnaire d’entreprise au Grand-Duché de Luxembourg, par ailleurs échevin à Etalle en Belgique, et aussi défenseur des intérêts des frontaliers travaillant sur le territoire Luxembourgeois.

Il a orchestré de multiples interventions juridiques au niveau européen, dans le but de corriger certaines différence de traitement dans le système d’attribution d’allocations familiales et d’études au Grand-Duché.

Effet-Frontière fait le point avec lui sur le dossier actuel des familles recomposées.

Effet-Frontière : « Georges Gondon, pour tous ceux d’entre nous qui participent pourtant à la richesse économique de notre pays voisin, le fait de payer des impôts au Grand-Duché ne signifie pas recevoir toujours automatiquement toutes les aides auxquelles les résidents ont droit ? »

Georges Gondon : « Non, par exemple au niveau des allocations familiales, notamment du côté des familles recomposées, il faut faire très attention ! En effet, nombreux sont les frontaliers à être confrontés par exemple à une discrimination anormale : les enfants non-biologiques d’un travailleur frontalier ne touchent plus d’allocations familiales. Dans le cadre d’une famille recomposée, les enfants du conjoint ou du partenaire du travailleur frontalier, s’ils ne résident pas au Luxembourg, ne sont plus considérés aux yeux de la loi grand-ducale comme des membres de la famille. Autrement dit, le Grand-duché ne reconnaît que les enfants biologiques ou adoptés du travailleur frontalier. Certains enfants de famille recomposées se retrouvent ainsi exclus de l’octroi des allocations familiales luxembourgeoises.

Effet-Frontière : « Beaucoup de cas sont-ils à prendre en compte ? »

Georges Gondon : « Comme il y a plus de 45.000 résidents belges qui passent tous les jours la frontière pour aller travailler au Grand-Duché, le problème concerne vraisemblablement nombre d’entre eux.»

Effet-Frontière : « Face à cela, qu’avez-vous donc entrepris cette fois-ci ?»

Georges Gondon : « En utilisant notre structure GEIE (groupement européen d’intérêt économique), nous menons une action juridique pour venir en aide aux familles touchées par cette réforme, et ceci avec l’assistance d’avocats luxembourgeois. En effet, nous estimons que la directive 2004/38 du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004, qui considère comme “enfants de la famille (…) les descendants directs du conjoint ou du partenaire“ n’est pas respectée par le Grand-Duché. Autrement dit : il est discriminatoire pour le Luxembourg d’exclure ces enfants de familles recomposées. »

Effet-Frontière : « N’avez-vous pas l’impression parfois que l’on vous puisse vous reprocher du côté luxembourgeois de vouloir le beurre et l’argent du beurre pour les frontaliers ? »

Georges Gondon : « Non, pas du tout. En fait nous rendons service au Grand-Duché en lui permettant d’encore mieux s’ajuster au droit européen et de devenir un exemple pour d’autres pays. A l’heure du Brexit et de tout ce chaos, on se doit d’apprécier l’esprit européen dans nos régions, particulièrement au Luxembourg.

Effet-Frontière : « Où en est la procédure aujourd’hui ? »

Georges Gondon : « Le 17 novembre 2017, le conseil arbitral de la sécurité sociale a donné raison au GEIE. Mais, le 29 décembre 2017, le Gouvernement luxembourgeois a fait appel pour la forme. Le 17 décembre 2018, le juge saisi de l’affaire a alors posé une question préjudicielle auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne, c’est-à-dire qu’il demande un éclaircissement quant à l’interprétation du droit communautaire. C’est cela que j’appelle un ajustement bénéfique pour tous.

Cette question préjudicielle se divise en trois parties :

  1. l’allocation familiale luxembourgeoise octroyée doit-elle être assimilée à un avantage social ?
  2. la définition grand-ducale de la famille est conforme à celle du droit européen ?
  3. quelle justification des discriminations ?

Effet-Frontière : « C’est quand même une matière assez technique, mais vu les résultats positifs du passé pour les bourses d’études des frontaliers … peut-on espérer ? »

Georges Gondon : « Oui, oui, et comme il y a jurisprudence, je suis tout à fait confiant. Cela peut prendre un certain temps mais nous aurons encore gain de cause, nous en sommes persuadés. »

Effet-Frontière : « Il y a pas mal de frontaliers qui devraient donc vous saluer à nouveau dans un avenir proche … Bravo. »

Georges Gondon : « Merci, mais contribuer à l’harmonie interfrontalière est une œuvre enrichissante en soi. Toutefois, j’insiste sur un point : que les familles concernées n’hésitent pas à me contacter directement, car cela pourra avoir une influence sur des remboursements éventuels qui pourraient avoir lieu rétrospectivement».